Les cépages résistants au changement climatique : une révolution viticole en marche

Quand le climat bouscule la viticulture : un contexte alarmant

Depuis plusieurs décennies, les vignerons constatent des changements dans le cycle de la vigne. Les vendanges, par exemple, sont avancées de deux à trois semaines en moyenne sur de nombreuses appellations. Si certains terroirs tirent profit de ces nouvelles conditions, comme dans le nord de l’Europe où la culture de la vigne progresse, d’autres subissent de lourdes pertes.

En 2022, les vignobles français ont enregistré des pertes de près de 30 % sur certaines régions, à cause de la conjugaison de la sécheresse et des incendies (source : InterVin). À cela s’ajoute la montée du degré d'alcool moyen des vins, due à une concentration accrue de sucres dans les raisins provoquée par la chaleur. Cette évolution modifie non seulement l’équilibre aromatique des vins mais remet aussi en cause les traditions vinicoles locales.

Pour répondre à ces défis, vignerons et chercheurs scrutent de plus près la génétique des cépages. Certains, par leurs caractéristiques naturelles ou modifiées, se montrent plus résilients face aux aléas climatiques.

Qu’est-ce qu’un cépage résistant ?

Un cépage résistant possède des qualités spécifiques lui permettant de mieux affronter les stress environnementaux. Cela peut inclure :

• Une résistance à la sécheresse : avec des racines profondes pour accéder à l’eau ou une tolérance accrue aux faibles disponibilités hydriques.
• Une capacité à mieux gérer les températures élevées : avec des feuilles permettant une transpiration contrôlée et une maturité plus lente.
• Une résistance aux maladies : notamment au mildiou et à l’oïdium, souvent favorisés par les conditions climatiques changeantes.

Ces cépages ne sont pas tous nouveaux. Certains, issus de croisements réalisés par la nature ou par l’homme, sont exploités depuis des décennies. Mais leur pertinence face au changement climatique est aujourd’hui redécouverte et mise en avant.

Les cépages en tête de l’adaptation

Voici quelques exemples de cépages qui se démarquent par leur capacité d’adaptation dans un contexte climatique difficile :

1. Le grenache

Originaire d’Espagne, le grenache est connu pour sa tolérance aux climats chauds et secs. Très présent en Provence, dans le Languedoc ou encore dans la vallée du Rhône, ce cépage est l’un des mieux adaptés aux vagues de chaleur successives. Avec une peau fine qui supporte les températures élevées et une production concentrée d’arômes, il se maintient comme un pilier dans de nombreux vignobles méditerranéens.

2. Le touriga nacional

Ce cépage emblématique du Portugal, utilisé pour les portos, gagne en popularité dans d’autres régions. Il résiste remarquablement bien à la sécheresse grâce à ses racines profondes et produit des vins denses et riches même dans des conditions très arides.

3. Le savagnin

Cépage blanc typique du Jura, le savagnin est reconnu pour son cycle végétatif long et son excellente gestion des variations climatiques. Ses grains sont adaptés à l’extraction des arômes complexes et garantissent une acidité équilibrée, malgré les temps chauds.

4. Les cépages résistants obtenus par sélection

Des programmes scientifiques ont multiplié les croisements pour concevoir des variétés résistantes. Par exemple, le cabernet cortis et le calardis musqué font partie de ces cépages techniques qui allient saveur et tolérance aux variations de températures. Ces nouvelles créations permettent de maintenir des rendements stables tout en limitant le recours aux traitements phytosanitaires.

Pourquoi ces cépages sont-ils en plein essor ?

Le développement des cépages résistants est bien plus qu’une simple mesure d’adaptation. Il répond à des enjeux globaux :

1. Une prise de conscience écologique

Les vignobles modernes sont de plus en plus tournés vers une viticulture durable. Limiter les intrants et les traitements chimiques devient primordial, notamment pour répondre à la demande croissante des consommateurs en faveur d’une production plus responsable. Les cépages résistants, moins sensibles au mildiou ou au gel, permettent de réduire ces interventions.

2. Une garantie économique

Maintenir des volumes constants de production malgré des conditions climatiques capricieuses est un défi vital pour les exploitations. Cultiver des cépages adaptés améliore la résilience financière des domaines et rassure les producteurs face à une volatilité accrue.

3. Une réponse aux nouveaux marchés

Avec les évolutions géographiques de la viticulture, comme l’émergence des vignobles au Royaume-Uni ou en Scandinavie, il devient primordial de s’appuyer sur des cépages adaptés à ces nouveaux climats. Ils offrent ainsi une opportunité pour ces régions d’élargir leur répertoire et d’entrer dans l’arène des grands producteurs mondiaux.

Quels sont les défis associés à ces cépages ?

Toute innovation vient avec ses limites. Les cépages résistants ne font pas exception :

• Une perte potentielle d’identité : Certaines appellations craignent que l’introduction de nouveaux cépages bouleverse leur ADN historique, intégré à des cahiers des charges stricts.
• Un coût de transition important : Replanter un vignoble est une entreprise coûteuse, que tous les vignerons ne peuvent pas se permettre.
• Un scepticisme persistant : Certains vignerons et amateurs hésitent encore à adopter ces cépages, craignant un manque de recul sur leur potentiel aromatique à long terme.

Un avenir en mutation pour la viticulture

Alors que le réchauffement climatique s’accélère, la question des cépages résistants s’impose comme une solution essentielle pour maintenir la diversité et la richesse du vin mondial. Mais elle pose aussi des dilemmes qui touchent à l’équilibre entre tradition et innovation. Une chose est sûre : le monde du vin n’a jamais eu autant besoin de créativité et de résilience pour continuer à écrire son histoire. Et derrière chaque grappe adaptée, il y a une promesse pour les générations futures : préserver, malgré tout, ce lien intime entre la vigne, la terre et l’homme.