BOURGOGNE CULTURE HUMEURS
Le vin a-t-il une âme ?
Au travers de son film « L’âme du Vin » qui sort en salles en novembre, Marie-Ange Gorbanevsky explore la viti-viniculture bourguignonne qui, par sa relation philosophique à la terre nourricière et par le rapport avec l’être humain (au travers du travail et des sens, dont celui du goût), transcende ce produit fermenté en élément fort de culture.
Le vin qui touche l’âme
C’est une belle promenade paisible au coeur du vin de Bourgogne que nous propose Marie-Ange Gorbanevsky. Si on peut peut-être regretter quelques plans immobiles un peu longs qui sont là pour illustrer le temps que prend le vin pour exister, la tranquillité qui transpire de ce film vient poser son empreinte sur le spectateur pour se diffuser jusqu’à l’âme. C’est donc une réussite que ce documentaire au style poétique qui va plaire tant au professionnel qu’au connaisseur et à l’amateur.
Ce film est aussi un beau moment de partage avec quelques personnalités du vin qui ont choisi, avec la réalisatrice, de disparaître derrière le vin qu’ils créent ou dégustent. Ce n’est pas si courant et cela mérite d’être remarqué.
Une immersion paisible en vini-culture
L’âme du vin de Marie-Ange Gorbanevsky dévoile un millésime et donc un cycle végétatif dans le vignoble bourguignon, en débutant par le chaussage d’après vendange, avec un labour à cheval. Et l’on reste au rythme du cheval et de l’homme pour découvrir mois après mois, la taille, le brûlage des bois, l’épamprage, l’ébourgeonnage, le levage, le rognage manuel, les labours d’été, puis les vendanges avant de passer à la création des vins. Là aussi, la part de l’homme est importante pour aider à la naissance de chaque millésime avec remontages, pigeage aux pieds, décuvage, nettoyage des cuves, et entonnage, pour que le vin finisse ensuite en bouteilles.
Un partage autour des vins
Mais la réalisatrice aura su marier ces ambiances du travail de la vigne et du vin avec des interviews et dégustations où les professionnels livrent leur ressenti, chacun avec son vécu et ses mots. Il y a donc beaucoup d’âme dans ces vins qui nous sont racontés.
Nous partons ainsi à La Romanée-Conti, Gevrey-Chambertin, Chambolle-Musigny, Meursault, Volnay, … avec l’ancien chef de cave de La Romanée-Conti, Bernard Noblet, Christophe Roumier du Domaine Georges Roumier et Dominique Lafon du Domaine des Comtes Lafon, Frédéric Lafarge du Domaine Michel Lafarge, Aubert de Villaine du Domaine de la Romanée-Conti, Olivier Bernstein de la Maison Olivier Bernstein à Beaune, et de même Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde, Caroline Furtoss, sommelière, le tonnelier Stéphane Chassin, de la Tonnellerie Chassin, Jacques Puisais, Scientifique, oenologue et Président de l’Institut Français du Goût, ainsi que Hide Ishizuka, Restaurateur kaponais et Ryuji Teshima, Chef cuisinier. Tous ces gens du vin imaginent assez bien que le vin a une âme …
L’âme du vin selon …
Bernard Noblet nous explique que les grands vins naissent de grands terroirs, le vin trouvant son âme au plus profond de son terroir grâce aux racines qui vont savoir exprimer sa complexité. « L’homme a tendance à simplifier les choses pour se sécuriser. Or souvent les grands vins sont faits dans le risque, le plus naturellement possible, sans artifice. Cela fait des vins qui parlent. »
Olivier Poussier quant à lui, sur la dégustation d’un Gevrey Chambertin 2015 du Domaine Rousseau, nous initie à découvrir la tension aromatique qu’il ressent sur ce vin avec une explosion de petits fruits rouges, une note de cerise délicate, aérienne et non confiturée, se rapprochant du noyau. Jacques Puisais nous rappelle l’importance du temps dans la vie du vin, temps dont la vigne a besoin pour que le vin s’épanouisse. Pour lui, déguster un vin, c’est avoir une relation intime avec une matière vivante. Et Aubert de Villaine nous confie que la Romanée-Conti est un vin un peu proustien, évoquant à celui qui le déguste le temps où il était créé par les moines du monastère de St Vivant. Et c’est toujours cette notion du temps qui passe qui lui fait dire qu’Il ne se sent pas propriétaire de vignoble mais beaucoup plus gardien d’un patrimoine à conserver avant de la transmettre à ceux qui viendront après. Hide Ishizuka, dégustant un extraordinaire « Les amoureuses » 1945 de Georges Roumier : « C’est la première fois de ma vie que je rencontre un tel vin. »
C’est bien cette rencontre de la terre, du ciel, et de l’homme auquel le vin invite chacun.e de nous que Marie-Ange Gorbanevsky a mise en scène dans « L’âme du vin ». On en ressort avec l’impression d’avoir partagé, en toute poésie, quelques moment authentiques autant dans la vigne que dans les chais à barriques ou les cuviers …
Qui est Marie-Ange Gorbanevsky ?
Après des études d’Histoire de l’art, MarieAnge Gorbanevsky a suivi une formation en audiovisuel (IIIS). À travers l’art du documentaire, elle cherche à capter la richesse, la poésie et la vérité de la « mise en scène de la vie ». Elle a toujours filmé des lieux et des gens un peu à part, révélant des choses impalpables et pourtant essentielles telles que la poésie du temps qui passe au Jardin du Luxembourg, l’âme du marché de Rungis …
Avec L’Âme du vin, « j’ai souhaité me tourner vers la lumière et révéler le travail humble et quotidien de ceux-là qui donnent naissance à des vins vivants, à des vins qui ont une âme… »
Filmographie : • 2014 – Une Leçon de Musique (Documentaire) Primé aux Etoiles de la Scam 2016, au Festival Tarkovsky (Russie) 2016 • 2008 – Les Dentellières (Documentaire) • 2006 – Le Plus Grand Marché du Monde (Documentaire) • 2002 – Promenade dans un Jardin (Court-métrage) • 2000 – Le Délice de l’Escargot (Documentaire).