Marcher les vignes, goûter le terroir : immersion dans les ‘vignes & vins randos’

17 juin 2025

Quand le sentier embrasse la vigne : l’alliance naturelle de la randonnée et du vin

La France, pays de chemins et de ceps, voit naître chaque année des initiatives qui tressent ensemble amour de la marche et passion du vin. Parmi elles, les ‘vignes & vins randos’, concept tout aussi simple qu’efficace : inviter à arpenter les vignobles à pied pour rencontrer, respirer et déguster, au plus près du terroir. Cette formule connaît une ascension remarquable avec près de 40 000 participants réunis lors des éditions récentes de « Vignes, Vins, Randos », l’événement phare organisé chaque fin d’été par les vignobles du Val de Loire (Source : Vins Val de Loire).

Mais comment ces balades œnologiques transforment-elles la découverte des vins ? Quels intérêts, quelles promesses pour le marcheur curieux ou l’amateur de crus ? Ce voyage en terres viticoles à un rythme humain révèle toute une mosaïque de paysages, de rencontres et d’enseignements.

L’expérience ‘vignes & vins randos’ : mode d’emploi d’une immersion multisensorielle

Participer à une randonnée au sein des vignes, ce n’est pas simplement ajouter une étape entre le pressoir et la cave. C’est vivre une expérience où les cinq sens sont sollicités, où l’on devient à la fois promeneur, explorateur et dégustateur.

  • Un balisage original : Les parcours serpentent entre les parcelles, franchissant parfois des clos historiques ou de vieux murets. Certains itinéraires sont ponctués d’installations artistiques ou pédagogiques : panneaux sur la faune locale, bornes interactives sur le cycle de la vigne, ou encore pauses musicales pour une ambiance champêtre.
  • Des étapes de dégustation in situ : Les haltes sont organisées au fil du chemin, proposant la découverte de cuvées locales là où elles naissent. C’est une approche qui change tout. L’impression du terroir gagne soudain en authenticité : goûter une gorgée face à la vigne qui l’a vu mûrir, c’est donner chair à la notion de « vin de lieu ».
  • Rencontres directes avec les vignerons : Les vigneronnes et vignerons ouvrent volontiers leurs parcelles et commentent leur métier, présentent les cépages et racontent leurs choix. Les questions fusent, les anecdotes aussi : rythme des saisons, caprices climatiques, transmission familiale ou initiatives en agriculture biologique… Ces moments offrent une fenêtre rare sur la vie derrière l’étiquette.
  • Accès à des patrimoines souvent fermés : Plus d’un château, vieux moulin, loge de vigne ou cabane à outils ouvre exceptionnellement ses portes lors de ces balades.
  • Produits du terroir et accords gourmands : Certains circuits intègrent des haltes gourmandes permettant de goûter rillettes de poissons de Loire, fromages de chèvre frais, ou pâtisseries locales, imaginant des accords inédits avec les vins dégustés.

Un événement fédérateur : des chiffres et une carte des territoires engagés

‘Vignes, Vins, Randos’ est né en 2004, sur l’initiative d’InterLoire. Initialement limité à quelques balades dans l’Anjou, l’événement fédère désormais plus de 18 itinéraires simultanés s’étendant de Nantes à Sancerre, soit plus de 500 kilomètres de vignobles explorés le temps d’un week-end (Source : Ouest-France, 2022).

  • Sur la seule édition de 2023, 39 000 marcheurs ont arpenté les sentiers, un record.
  • Près de 900 vignerons et bénévoles mobilisés chaque année.
  • Un public large : familles, groupes d’amis, œnophiles avertis, mais aussi néophytes, témoignant de la diversité de l’offre et de son accessibilité.
  • Des initiatives similaires fleurissent dans d’autres régions : la « Balade gourmande » du Jura, la « Rando des vendanges » en Côte-Rôtie, les « Sentiers de la Vigne » à Madiran…

À la clé, une fréquentation touristique renforcée hors de la haute saison, des retombées économiques directes pour les domaines avec de nombreux achats en cave au retour, et une sensibilisation accrue à la diversité des terroirs (La RVF).

Les bénéfices inattendus : une autre façon de comprendre les vins et les terroirs

La randonnée viticole bouleverse la façon de percevoir le vin. Être confronté l’espace d’une journée à la rudesse ou à la beauté du terrain offre une nouvelle lecture du goût.

  • Le terroir mis à nu : Cheminer sur un sol de schiste, grimper une colline de tuffeau ou longer une parcelle argileuse invite à ressentir physiquement l’impact du terrain sur la vigne et, par ricochet, sur le profil des vins. À Savennières, la diversité des sous-sols se goûte véritablement dans la tension et la fraîcheur des chenins locaux. À Chavignol, on distingue même à la dégustation les nuances entre les vignes du « Cul de Beaujeu » et celles du « Monts Damnés ».
  • L’influence du climat et du paysage : Marcher entre 10h et 13h, c’est mesurer combien le soleil durcit ou attendrit la grappe, ressentir le vent ou l’humidité du matin, comprendre le labeur imposé pour préserver la santé de la vigne (traitements, effeuillage, vendange en vert).
  • La vie autour de la vigne : Faune locale, insectes auxiliaires, haies et arbres, flore des talus – autant de compagnons du vigneron souvent ignorés lors d’une simple visite de cave, ici observés, nommés, protégés parfois.
  • La transmission orale : Il y a dans la parole du vigneron en balade ce que ne dit aucune fiche technique : l’histoire du clos sauvegardé par un grand-père, la découverte d’un cep franc de pied jamais greffé, ou le choix d’un couloir de biodiversité traversant la propriété.

Se préparer pour une ‘vigne & vin rando’ : conseils pratiques et astuces d’initiés

Pour profiter au mieux de l’expérience, quelques gestes simples s’imposent.

  1. Bien s’équiper :
    • Chaussures de marche ou baskets robustes ;
    • Chapeau, lunettes de soleil, crème solaire ;
    • Bouteille d’eau – la gourmandise ne remplace jamais l’hydratation ;
    • Carnet pour noter coups de cœur et anecdotes, ou pour dessiner un cep remarquable croisé au détour d’un rang !
  2. Anticiper la météo : Même en septembre, les matinées sont fraîches et la brume prêtresse. Prévoir une veste légère… et un sac pour ramener trouvailles sur le chemin.
  3. Adopter un rythme respectueux : La randonnée n’est pas une compétition mais une parenthèse. Prendre le temps d’écouter, d’observer, de goûter… et de laisser ses pas s’accorder à ceux des vignerons guides.
  4. Dégustation responsable : Les marches sont pensées pour éviter les excès, mais certains proposent des crachoirs mobiles ou, pour les groupes, un retour organisé en car ou covoiturage.

À noter : les parcours sont peaufinés pour être accessibles, mais certaines balades peuvent comporter des passages pentus ou des sols mouvants (galets roulés, bords de rivières…). Renseignez-vous toujours sur la difficulté du circuit au moment de l’inscription.

De la balade à l’engagement : randonnée, pédagogie et écologie

Ces randonnées sont aussi l’occasion de sensibiliser petit et grand public aux enjeux contemporains de la viticulture : adaptation au changement climatique, lutte contre les maladies de la vigne, respect de la biodiversité. Selon une enquête menée par Vins Val de Loire, plus de 70% des randonneurs déclarent mieux comprendre les efforts réalisés pour mener des pratiques durables après leur participation aux balades guidées.

  • Des ateliers pédagogiques : animation sur les traitements bio, explications sur les couverts végétaux, découverte des méthodes zéro herbicide…
  • Focus biodiversité : ause éco-pastorale sur la présence de moutons ou de ruches dans les vignes, distribution de guides pour reconnaître oiseaux et plantes locales.
  • Engagement local : Certains événements reversent une part des droits d’inscription à des associations environnementales régionales.

Perspectives : vers de nouvelles formes de randos œnotouristiques

L’essor des ‘vignes & vins randos’ atteste de cette soif contemporaine d’expériences globales, où l’on cherche à tisser du lien – avec le vin, la terre, mais aussi avec ceux et celles qui les font vivre. En 2024, de nouveaux formats émergent : balades crépusculaires pour saisir la magie du coucher de soleil sur les rangs de chenin, marches musicales ou encore treks sur deux journées avec bivouac et veillée vigneronne. Autant d’initiatives qui montrent que la randonnée dans les vignes ne se limite pas à la belle saison, et qu’elle s’invente, saison après saison, comme un formidable terrain de découverte et de partage.

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