ECONOMIE-MARKETING HUMEURS VIN
“Cachez ce vin que je ne saurai voir !” : l’exemple d’Edonys
Quel est donc ce pays étrange qui bâillonne sa presse du vin ?
Quel est ce pays étrange, connu dans le monde entier pour ses vins, et envié de tous pour son histoire autour du vin, pour ses paysages de vignobles, pour la qualité de ses vins, et pour la part de ceux-ci dans l’économie nationale, quel est donc ce pays donc où des sénateurs, élus parlementaires connus pour être plutôt des “sages” et ne pas être de grands fantaisistes, se retrouvent amenés à devoir déposer un projet de loi visant à redonner au rédactionnel de la presse du vin sa liberté, en l’excluant des contraintes de la loi Evin ?
Quel est donc ce pays étrange où ces mêmes sénateurs, réputés sages et non fantaisistes, sont amenés à devoir déposer un projet de loi pour que le vin français soit reconnu par la loi du pays, comme ce qui est déjà reconnu dans le monde entier : élément du patrimoine culturel national ?
Quel est donc ce pays étrange qui se targue d’être un pays de libertés, et qui pourtant contraint sa presse du vin ?
Une longue histoire de handicaps posés à la liberté de l’information : retour du phénomène “radios libres exilées” ?
Au départ, deux projets de “télés” du vin : Deovino et Edonys. La première s’est vue retoquée par le Conseil d’Etat et la seconde interdite de diffusion depuis la France, par le CSA.
La mise en place de la chaîne Edonys a connu ainsi depuis ses débuts des freins et entraves nombreux, notamment de la part du CSA. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a en effet imposé tellement de restrictions qu’Edonys a pris la décision de « s’exiler » dans d’autres pays d’Europe afin de pouvoir diffuser en toute liberté ses programmes.
Finalement, à l’instar des radios libres en d’autres temps, Edonys s’est installée au Luxembourg, ce qui lui a permis de commencer à fonctionner le 15 décembre 2012, avec une diffusion sur le réseau de P&T Luxembourg (équivalent de France Télécom pour la France) via le bouquet des chaînes proposées aux abonnés ADSL, rendant la chaîne accessible aux 26 000 foyers luxembourgeois.
Restait encore à trouver une solution pour émettre à destination de la France. C’est chose partiellement faite depuis le 23 juillet, avec le canal 213 de SFR, permettant aux abonnés SFR de bénéficier de cet avantage grâce à leur abonnement TV ou leur abonnement mobile.
Mais comment de telles contraintes et de telles discriminations dans la diffusion de l’information du vin peuvent-elles exister dans un pays de vin et de liberté de la presse ?
Edonys : enfin une télé du vin, mais seulement pour certains
Tous ceux qui ont suivi les déboires dans l’installation du projet de TV du vin Edonys ont eu envie de dire : enfin ! Edonys est accessible en France depuis le 23 juillet (canal SFR 213). Gardons à l’esprit cependant que cela ne concerne qu’une minorité : les abonnés SFR, devenus des privilégiés de l’information télévisuelle du vin. Heureusement, depuis quelques jours, la chaîne peut être regardée en outre en stream live sur Dailymotion.
Pourquoi de telles discriminations ? Pourquoi de telles contraintes ? Pourquoi pour le quidam ou l’alateur une telle privation de cette liberté d’information sur le vin ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de liberté d’émettre en France pour Edonys, presse télévisuelle du vin ? Et pourquoi pas cette liberté de l’information du vin pour la population française ? Qu’y-a-t-il donc de si dangereux dans ces émissions ?
L’initiative Edonys
Edonys©, éditée par Media-Place Partners™, est la première chaîne internationale (en français et en anglais) dédiée aux produits de la vigne. En constituant un canal dédié indépendant, Media-Place Partners a mis en place, dans le cadre de sa mission d’information et de service, une programmation avec magazines, reportages, documentaires, talk-shows, avec cependant aussi des programmes de fictions (films, téléfilms et séries).
La programmation proposée
Des magazines exclusifs
- Millésime : Magazine d’information 26′ – Toute l’actualité du monde viticole
- Domaines et Cépages : Magazine 13′ – A la découverte des châteaux et domaines
- Rencontres : Talk-Show 26′ – Le vin en débat
- Dégustations : Magazine interactif 26′ – Rendez-vous convivial avec des spécialistes de la dégustation
- Pro-Infos : Magazine d’information 26′ – Actualités pour les professionnels
Evénementiel : La couverture des grands rendez-vous du monde du vin.
Des documentaires et reportages : Un stock existant conséquent, plus de 300 heures de programme identifiées. Le vin fait l’objet de nombreux reportages et documentaires audiovisuels. Ils racontent des histoires rapportées des quatre coins du monde. Les destins d’hommes et de femmes liés à leurs terres et à leurs vignes. Des passionnés, évidemment ! Des programmes spécifiquement choisis pour découvrir et comprendre les technologies, les situations et les savoir-faire qui font que chaque vin est unique.
Des fictions (Films, téléfilms et séries)
Les services
- Programmes de télé-achats spécialisés
- Annonces dédiées (immobilier, grands vins, …)
- Suivi des ventes aux enchères
Une information du vin supposée dangereuse ?
Chacun aura constaté, au vu de cette programmation, sa dangerosité et son caractère pernicieux qui l’empêchent de pouvoir être diffusée depuis la France. Et les promoteurs de Deo Vino et Edonys ont de la chance que le temps des châtiments infligés aux hérétiques soit terminé (bien que trois ans et plus pour faire vivre de tels projets sans pouvoir les voir correctement aboutir représentent sans doute une certaine souffrance).
A un moment où la presse de façon générale ne va pas bien et doit ré-inventer non seulement son modèle économique mais aussi sa façon d’être et de communiquer avec ses lecteurs, qu’ils soient ou non internautes, quand il s’agit d’information du vin et que de nouveaux projets d’entreprise ont l’audace, dans ce contexte économique difficile, de vouloir exister, que font les Pouvoirs Publics sinon leur mettre des bâtons dans les roues et les empêcher d’exister en France ?
Quelle est cette logique ? Quand on parle d’entreprise de presse, on parle aussi de liberté d’information ! Qui en France est favorable à ce que les Pouvoirs Publics restreignent la liberté de l’information ?
Vers un bannissement induit des “hérétiques” ?
Dans le cas d’Edonys, l’une de ses forces est sa déclinaison en deux langues (français / anglais) qui permet une couverture européenne. La diffusion au Luxembourg a pu servir de test grandeur nature avant le déploiement de la chaîne en France pendant l’été, qui doit être suivi de la Belgique et de la Suisse. Grâce à cette stratégie de déploiement européen, Edonys aura pu contourner partiellement l’interdiction du CSA et les contraintes liées à la Loi Evin, même si cela a mis plus de temps que prévu, puisque la chaîne a débuté sa diffusion avec du retard.
Il est donc tout à fait étonnant de constater qu’alors que l’Etat français dépense des fortunes en subventions pour faire vivre certaines entreprises de presse qui se meurent malgré tout, en ce qui concerne la presse télévisuelle du vin, l’Etat français semble rechercher la disparition des projets existants, ou leur départ à l’étranger.
Comme il y a eu les radios libres il y a plus de 20 ans qui émettaient hors frontières, les Pouvoirs Publics recréent actuellement le contexte de télés contraintes qui pour être libres se retrouvent, elles aussi, obligées d’émettre de l’étranger. Cela ne pose-t-il pas question alors que nous nous pensons un pays de liberté ? Nous devons biens constater là que les pays voisins le sont beaucoup plus !
Pourquoi censurer et contraindre l’information du vin ?
A un moment où des sénateurs ont déposé un amendement visant à redonner à la presse du vin un petit peu de sa liberté, en n’étant plus soumise à l’obligation de message sanitaire (voir notre article “L’information du vin est-elle en danger ?“), la vraie question est : pourquoi limiter la liberté de l’information du vin ? Dans quel obscurantisme sommes-nous pour que certains puissent croire que le fait de ne pas informer soit un bénéfice ?
Avec une télé du vin telle qu’Edonys, il s’agit de débats, de pédagogie, d’actualités, de culture. Comment le CSA ne peut-il se rendre compte qu’à l’heure de la TV connectée, la contrainte posée par sa volonté délibérée de restreindre la liberté de l’information pourra être contournée et que c’est juste une discrimination qu’il fait exister : l’information du vin pour certains. Serait-ce que le CSA ne veut que se donner bonne conscience ?
Messieurs les parlementaires, c’est toute l’activité éditoriale de la presse du vin qu’il vous faut libérer. Car ce n’est pas seulement l’activité de déguster le vin qui est réglementée, c’est aussi celle de le voir et d’en parler. Une presse française du vin contrainte, sans droit d’émettre librement depuis la France, une information du vin accessible “sous le manteau”, voilà la société qu’on nous impose, voila la vie qu’on nous impose ! Qui veut de cette vie-là ?
En sommes-nous encore au temps de Molière avec Tartuffe, à croire que de cacher l’objet évite les coupables pensées : “Couvrez moi ce sein que je ne saurai voir” … “cela fait venir de coupables pensées”. En sommes-nous encore là quand il s’agit de l’information du vin, qui mériterait d’être cachée, ou s’agit plus de comportements ressortant d’obscurantismes qui ne peuvent être acceptés aujourd’hui dans une France qui se “pense” libre ?