ECONOMIE-MARKETING HUMEURS VIN

L’information du vin est-elle en danger ?

Les Sénateurs Roland Courteau, Marcel Rainaud et plusieurs sénateurs à leurs côtés, ont déposé le 5 juillet 2013 une Proposition de loi dont le but est de distinguer publicités commerciales et articles de presse rédactionnels, en matière d’information sur le vin. Il s’agit du Texte N° 727 (2012-2013) qui est actuellement en phase de 1ère lecture au Sénat.

Quand le législateur ressent le besoin de protéger la liberté de l’information

Le sénateur Roland Courteau s’explique de cette initiative par l’existence d’une décision de justice (TGI Paris juin et décembre 2007), qui a imposé à tout reportage relatif au vin, d’insérer un message à caractère sanitaire, précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Et, le sénateur de préciser que « c’est confondre les publicités commerciales avec les articles rédactionnels qui sont en réalité des informations objectives émanant de journalistes ».

Pour lui, une telle confusion est très dangereuse pour la liberté d’expression et la liberté de la presse. Les règles imaginées par certains pour encadrer la communication sur le vin constituent ainsi un véritable carcan pour la presse qui ne dispose plus de la liberté présupposée par toute démocratie. La presse du vin et ses lecteurs pourront se réjouir  de cette tentative de ces législateurs en vue d’une réelle liberté d’information.

Qui est Roland Courteau ?

Roland Courteau est Sénateur de l’Aude (Languedoc-Roussillon) et on lui doit deux textes législatifs qui portent son nom : la loi relative à la lutte contre les violences et les discriminations à l’égard des femmes, et celle tendant à supprimer les sanctions contre les avocats prévues à l’article 75 de l’ordonnance de 1945, sur le Conseil d’Etat.

Parmi ses responsabilités : Président de l’A.N.E.V. (Association Nationale des Elus de la Vigne et du Vin), Vice Président du groupe de travail sur le rapport concernant l’avenir de la viticulture Française, Vice président du Groupe Viticole au Sénat, il est chef de file de son groupe parlementaire, au Sénat, sur les questions de  viticulture.

Qui veut bâillonner l’information sur le vin ?

Les dernières tentatives sont récentes et en cours, ce qui justifie notamment qu’à fin juin, le Bureau de l’Association Nationale des Elus de la Vigne, co-présidé par le Sénateur Roland Courteau et Philippe Martin, déplore que trois rapports publiés récemment , dont celui de la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues et celui du Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale, ciblent fortement le vin, l’un d’eux préconisant la suppression de la publicité sur internet et l’interdiction de l’affichage sur la voirie et les lieux publics.

Les trois rapports proposent le relèvement de la fiscalité sur l’alcool, au degré alcool, sans distinction des produits. L’un, des trois, propose de taxer les dépenses publicitaires, tandis qu’un autre soutient le durcissement du message sanitaire. Roland Courteau déplorait alors l’amalgame fait entre le vin, les alcools durs et l’ensemble des boissons alcooliques.

« Si de telles préconisations étaient suivies d’effet, cela constituerait une remise en cause des politiques de santé publique, jusqu’alors basées sur la lutte contre les comportements abusifs. Elle culpabiliserait tous les consommateurs y compris ceux qui consomment de façon responsable ». Et le Sénateur audois, d’indiquer, que le plus choquant serait de considérer le vin comme le produit le plus dangereux, devant l’héroïne, la cocaïne, le tabac et le cannabis …

 Relayant les préoccupations du monde viticole, le bureau de l’ANEV, sur proposition de Roland Courteau et de Marie Hélène Fabre, Vice-Présidente, a décidé d’engager des actions de sensibilisation, « rappelant que 30 années de recherches et de travaux scientifiques, ont démontré qu’une consommation modérée et régulière du Vin était bénéfique à la santé ».

 Parallèlement, l’ANEV souhaitait alerter les Pouvoirs Publics sur cette question et les inciter à poursuivre une politique basée sur la responsabilité.

Touche pas à mon vigneron

Dans le même temps, le même rapport du professeur Reynaud qui souhaitait durcir les règles sur la communication sur les vins notamment, amenait une réaction des vignerons et amateurs de vins avec « Touche pas à mon vigneron », pétition qui a aujourd’hui recueilli 5.372 signatures. Le but affiché de cette pétition est de « sauver la liberté d’expression des vignerons », en réaction au rapport du Professeur Reynaud rendu au gouvernement sur « Les stratégies validées de réduction des dommages liés aux addictions dans lequel il dresse un ensemble de préconisations afin de lutter contre les addictions, notamment en matière d’alcool ».

Ce rapport, outre qu’il envisage d’augmenter la taxation sur les vin, mesure dont l’efficacité n’est pas prouvée par l’expérience, recommande l’interdiction de la promotion sur internet, incluant la présence sur les réseaux sociaux. Le vigneron n’est plus un agriculteur, c’est un « dealer d’alcool » dont il faut réglementer la promotion et même la conversation puisque les réseaux sociaux ne sont que des lieux de conversation sur internet entre des individus et aussi bien sûr maintenant des entreprises, dont celles des vignerons.

Outre que la différenciation vin et alcool reste inconnue des apôtres de la lutte contre les addictions,de même le fait que le vin est un secteur de l’économie française responsable de la part positive de la balance commerciale, et d’une part non négligeable des emplois directs et indirects de l’agro-alimentaire, ce sont maintenant les conversations sur internet qui seraient touchées.

Les initiateurs de la pétition « Touche pas à mon vigneron » rappellent pourtant que « les réseaux sociaux, contrairement à ce que laisse entendre le rapport, sont déjà soumis à réglementation puisque les pages sont paramétrées pour ne pas être visibles par les mineurs, que les communications qui y sont faites sont d’ores et déjà soumises à la Loi Evin. » Ils indiquent de même que ces pages permettent aux vignerons de décrire leur travail, dans la vigne et au chai, de parler du cycle végétatif de la vigne, et d’expliquer leurs choix dans la fabrication de leurs produits.

A un moment où toute l’activité économique reconnait la nécessité de la présence sur internet des entreprises et des marques au niveau international, la France s’apprêterait-elle à couper les ailes internet de ces vignerons dans la concurrence internationale avec les autres pays producteurs de vin, et cela à un moment où l’Etat chinois en mesure de rétorsion à l’augmentation des taxes à l’importation de panneaux solaires, vise prioritairement les vins européens et donc français ?

Les initiateurs de la pétition espèrent être entendus du gouvernement français dans leur discours : « bâillonner à toute force c’est aussi empêcher les messages sur le bien boire, la consommation modérée et raisonnable. En lui enlevant toute parole, on érige l’alcool en un interdit qu’il devient cool de transgresser. Avant de boire, il serait enfin temps d’apprendre à déguster. Cet apprentissage passe aussi par la parole donnée aux vignerons. »

Un rempart ultime à la liberté de l’information

On peut sûrement s’inquiéter du devenir de ces conversations des vignerons avec leurs fans, leurs followers, ou les inscrits sur leurs blogs. Car quand on ne peut plus se réunir et se parler, même sur internet, n’est-on pas dans un régime totalitaire ?

Mais le dépôt même de la Proposition de loi des sénateurs : Texte n° 727 (2012-2013) du 5 juillet 2013 « Proposition de loi tendant à faire la distinction entre publicités et articles de presse rédactionnels, en matière d’information sur le vin », qui a le mérite de tenter de redonner à la presse du vin toute sa liberté, est tout aussi inquiétant. Pourquoi faut-il l’intervention du législateur pour défaire ce que d’autres ont fait. Et ce texte n’est-il pas de même l’expression d’une crainte de ces mêmes sénateurs de voir passer certaines des préconisations des rapports précités, et d’en préserver la presse du vin.

Cette proposition de loi apparaît bien alors comme un rempart ultime  au respect de la liberté d’information sur le vin, mais sans doute à seulement une partie de l’information sur le vin !



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