Quand un vigneron vous parle de débourrement, il ne vous parle pas d’une fin de soirée trop arrosée, ni même de cellule de dégrisement !

Non le débourrement n’est pas le dégrisement

Le débourrement est en fait bien éloigné de toute notion d’abus d’alcool, cette dernière étant surtout, à ce jour, un sujet d’erreur pour nos politiciens de tous bords qui n’ont pas su résoudre un problème de santé publique et qui, plutôt que de s’attaquer aux causes du mal, ont préféré jouer dans l’apparence, en coupant les ailes de viticulteurs qui n’auraient pas de lobbying suffisamment efficace pour les en empêcher.

Nos politiciens, comme nous l’avons bien vu à l’occasion des présidentielles 2012, n’ont pas cette culture-là Monsieur, du vin et de la dégustation ! C’est dommage pour eux sans doute, mais cela devient aussi dommage pour les 45.000 viticulteurs français, dont une partie est en train de disparaître petit à petit. Ce que nos politiciens n’ont pas compris, c’est que la dégustation est un acte de « plaisir réfléchi », et les deux mots ont leur importance. Il faut donc un minimum de concentration pour bien profiter de toutes les composantes que le vin que l’on déguste va nous offrir et ainsi en ressentir beaucoup de plaisir. Ceux qui arrivent à rester concentrés dans l’abus ne doivent pas être légion. Il y avait donc sans doute beaucoup mieux à faire sur l’éducation à la dégustation et au vin, que d’appliquer des interdits qui ne sont faits que pour donner bonne conscience à nos hommes politiques. Dommage !

La naissance de la vigne à un nouveau millésime

Mais revenons au débourrement, le vrai. C’est le premier acte de la naissance de la vigne à un nouveau millésime. La vigne s’est endormie depuis la fin des vendanges et l’hiver est passé. Les pieds bien chaussés de terre pour la protéger du froid, la vigne a perdu ses feuilles du millésime précédent. Et en fin d’hiver, le vigneron est passé pour lui tailler les bois (ce que certains appellent des branches et que le vigneron va nommer aste, baguette, …). Il s’agit en effet, avec la taille, de permettre à la vigne de donner naissance, au printemps qui suit, à de nouveaux bourgeons qui porteront feuilles et grappes. Après ce premier acte du travail de l’homme sur son vignoble dans un nouveau millésime, le débourrement, c’est le premier acte de vie de la vigne dans son nouveau millésime. C’est en effet chaque année qu’une nouvelle vie commence dans les vignes. C’est ça l’effet millésime. Une nouvelle vie de la vigne chaque année.

Débourrement, pourquoi débourrement ?

Un drôle de nom pour un si joli moment ! Mais il une belle explication. Regardez bien le bourgeon avant qu’il ne s’ouvre et quand il est en train de s’ouvrir, comme la chenille devient papillon.

Que voyez-vous ? Vous les voyez ces petits filaments qui entourent le bourgeon  comme de la bourre de coton ? Et bien c’est de cette bourre qui entoure le bourgeon comme pour le protéger, comme du coton, que vient le nom de l’ouverture des bourgeons. Bourre de coton, débourrement … Et en effet, le bourgeon déchire ces petits fils protecteurs pour prendre son espace dans l’air de son vignoble et étirer ses petites feuilles.

Le débourrement, l’émotion de naissances fragiles

Le débourrement, dès qu’on y regarde de près, cela devient une émotion. Vous en connaissez beaucoup vous des naissances multiples de petits bourgeons qui s’ouvrent, petit à petit, comme les petites tortues sur la plage et qui eux aussi sont menacés qui de la grêle, qui du gel. Tant de grâce, tant de fragilité !

Les voyez-vous. Vous les devinez ? Mais oui, ce sont bien elles. Les petites grappes sont déjà préformées, minuscules, dans ce bourgeon qui est en train d’éclore

Ne passez plus sans les voir

Bien sûr, vous pouvez passer sans les voir. Mais préférez plutôt de prendre le temps de venir vous balader dans les vignobles les plus près de chez vous aux mois de mars-avril pour surveiller quand ils vont apparaitre et enfin sortir peu à peu. Eh oui, selon les années cela ne sera pas tous les ans pareil : dès la naissance des bourgeons, vous saurez déjà reconnaitre l’éventuelle précocité d’un millésime. Et là, les pieds dans le rang de vigne (avec les bottes peut-être au mois de mars), vous allez découvrir un plaisir de plus dans votre vie. Ne le laissez pas ce plaisir au seul viticulteur. Venez les voir ces petits bourgeons qui sont en train d’éclore ….

Et puis ne profitez pas de ce plaisir en solitaire. Amenez vos enfants, votre appareil photo, et profitez-en pour rencontrer le vigneron qui, si vous avez pris la peine de l’appeler avant en vue de ce rendez-vous, sera ravi de partager ces instants un peu magiques avec vous et de vous expliquer le moment suivant qui sera important pour sa vigne.

Nadine COURAUD