DEGUSTATION VIN

Quel bonheur d’être dégustateur !

Une vie de rêve

J’ai toujours envié les journalistes qui viennent goûter chaque année les millésimes des vins des différentes régions viticoles, qu’il s’agisse de primeurs ou de vins finis. C’est quand même bien agréable de goûter tantôt des vins rouges, tantôt des vins blancs, tantôt des vins tranquilles tantôt des effervescents, tantôt des vins secs tantôt des vins moelleux ou mutés, et d’être ainsi dans une éternelle découverte des vins de toutes les régions de France et du monde.

Chaque année, je me disais que c’est quand même une bien belle vie que de se voir organiser des dégustations de la façon dont on le souhaite, anonymées, ou étiquettes visibles, seul ou à plusieurs, ou en visite chez le producteur. Et de mobiliser à cet effet, le meilleur de l’attention et de l’organisation des professionnels et des permanents des organismes professionnels viticoles visités.

Car, oui, quand il s’agit par exemple des primeurs de Bordeaux, une région entière se mobilise pour vous permettre de déguster dans les meilleures conditions de concentration, avec le regroupement des vins par lieu, la meilleure qualité des verres et des conditions de réceptif facilitées.

Primeurs 2011 de l'UGCB au Château Soutard

Peut-être pas si « fun » que ça ?

Cependant le métier de dégustateur n’est pas toujours de tout repos. Tout d’abord, aussitôt le petit déjeuner, il faut oublier les arômes du café qui vient de vous aider à vous réveiller pour, dès 9h30-10h00 du matin, s’attabler avec son (ses) verre(s) et son ordinateur ou son carnet de notes de dégustation, devant des dizaines et des dizaines d’échantillons. Et vous allez parfois en goûter plus d’une centaine dans la journée. Et il va falloir rester concentrer pour avoir la même capacité à détecter les qualités ou défauts de chaque vin gouté, et ses éléments de complexité. On le doit au lecteur.

Primeurs 2011 au Château Marquis de Termes dans le Médoc

L’avantage est que le plus souvent, à mi-journée, notre dégustateur-expert va se voir proposer un déjeuner de qualité, souvent accompagné de jolis vins, voire de grands vins, plus âgés que ceux qu’il a dégustés le matin. Eh oui, il ne faut pas perdre l’habitude !

Puis notre dégustateur retourne à ses occupations de dégustation, soit sur le même lieu, soit dans un autre et l’exercice reprend jusqu’à la fin de l’après-midi. La soirée pour nombre de journalistes-dégustateurs va se passer autour d’un dîner de qualité avec des professionnels, et là aussi de vins qu’il sera intéressant de découvrir. Donc l’attention ne devra pas cesser, cela fait encore partie des connaissances que le journaliste-dégustateur se doit d’accumuler. Donc notre dégustateur peut se reposer un peu, mais jamais tout à fait. Longues journées fatigantes pour lui !

Et cela ne va durer qu’un seul jour. Dans le cas des primeurs de Bordeaux, cela va durer toute la semaine. Autant dire qu’il vaut donc mieux arriver en forme au week-end qui précède cette semaine des primeurs !

L’épuisement du dégustateur de fond

Car à la fin de la semaine, ce journaliste dégustateur est dans quel état ? Fatigué, il est très fatigué notre dégustateur. Il a passé toutes ses journées à gouter des vins qui, selon leur état de jeunesse et de préparation ne vont pas toujours être dans leur meilleur état de présentation. De même, selon le millésime, et quelles que soient les régions du monde, ils ne vont pas non plus forcément toujours être dans la maturité la plus grande. Et même avec une très bonne maturité, l’équilibre des vins se fait toujours entre le sucre et l’acide. Donc en fin de journée les acidités des vins goutés se sont accumulées dans le corps du dégustateur. Car bien sûr, il aura beaucoup craché. Mais jamais totalement. On imagine le résultat pour son appareil digestif : il n’aura plus qu’à faire une cure de détoxification ensuite !

Et c’est sans parler de la présentation des vins en primeurs qui reste un équilibre acrobatique pour les producteurs qui naviguent souvent un peu à vue entre l’oxydation de la pomme blette quand il s’agit de vins rouges et les notes grossières dues à une protection trop poussée. Le dégustateur reconnait au nez ces notes désagréables, mais le plus souvent il va s’obliger à gouter l’échantillon qui se présente mal pour vérifier en bouche. Et là, il n’est que trop rarement récompensé de son effort. Le désagrément relevé au nez est le plus souvent amplifié en bouche. C’est une vie difficile que celle de dégustateur !

Si on parle de même de la dégustation des vins rouges, qui contiennent un grand nombre de tanins et d’anthocyanes, notamment en primeurs et sur certains millésimes comme le 2011, ce n’est pas pour rien que notre dégustateur se balade toujours avec sa brosse à dents pour éviter de subir un autre plaisir lié à son métier de dégustateur de vins rouges : avoir les dents noires. Et c’est sans parler des doigts noirs du fait des gouttes qui coulent le long du pied du verre.

C’est donc un métier tout particulièrement adapté au dégustateur de sexe féminin. Tout particulièrement pour elles, au-delà de la brosse à dents, et des doigts noirs, il faudra aussi faire attention à la marque bleue du verre au coin des lèvres. Et surtout, il faudra éviter le foulard, surtout de couleur claire. Il est en effet difficile de déguster et donc de « cracher » sans avoir à un moment un « splash » qui remonte du seau trop plein et vient gentiment se placer sur le chemisier ou le foulard.

On comprend donc que nombre de dégustateurs expérimentés portent des chemises, pulls et vestes foncés. Cela permet de ne pas se retrouver obligé(e) de se changer plusieurs fois par jour.

Galère ou rêve, on en redemande

Chateau d'Arsac-Primeurs 2011 des Crus Bourgeois du Médoc

Malgré sa vie de rêve, consistant entre autre à être reçu dans les plus grands châteaux, c’est un dégustateur qu’on retrouve en fin de semaine des primeurs qui n’a plus rien à se mettre en vêtement non tachés, s’il n’avait pas prévu les vêtement foncés, qui a des problèmes de digestion et d’éventuelles remontées acides (surtout s’il a abusé des déjeuners et dîners qui ont changé son menu monacal habituel), et qui n’arrive même plus à faire revenir ses dents à leur couleur d’origine. Et, c’est sans parler de son salaire, le métier ne payant pas si bien que ça.

Mais par contre, c’est un métier qui permet de faire des économies sur le parfum. C’est un luxe interdit ! Tout parfum posé même en petites touches sur le corps, pourrait venir envahir la sphère olfactive des vins goutés, et gêner le dégustateur lui-même et ses voisins de galère.

Et pourtant …, quand on voit le nombre de dégustateurs qui continuent malgré toutes ces difficultés du métier de dégustateur, on peut penser que le vin en vaut la chandelle !

Merci à l’Union des Grands Crus de Bordeaux, à l’Association de Grands Crus Classés de Saint-Emilion, à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, et à tous les autres qui ont permis la découverte du millésime 2011.



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